Régimes matrimoniaux : focus sur les dernières réformes législatives
Les régimes matrimoniaux constituent le cadre juridique qui définit les règles de gestion et de répartition du patrimoine des époux. En France, ces régimes sont régis par les dispositions du Code civil et évoluent régulièrement afin de mieux s’adapter aux réalités sociales et économiques. La loi n° 2024-494 du 31 mai 2024, promulguée pour renforcer la justice patrimoniale, a introduit plusieurs modifications notables. En parallèle, d’autres ajustements récents visent à offrir davantage de flexibilité aux couples souhaitant adapter leur régime matrimonial.

Régimes matrimoniaux : Les dernières dispositions issues de la loi du 31 mai 2024
L’introduction de l’indignité matrimoniale
L’une des innovations majeures de cette loi est la création d’une clause d’indignité matrimoniale. Inspirée de l’indignité successorale, cette disposition prévoit qu’un époux condamné pour violences conjugales graves ne pourra plus bénéficier des avantages matrimoniaux prévus dans le contrat de mariage.
L’article 1399-1 du Code civil précise désormais que :
« L’époux condamné, comme auteur ou complice, pour avoir volontairement donné ou tenté de donner la mort à son époux ou pour avoir volontairement commis des violences ayant entraîné la mort de son époux sans intention de la donner est, dans le cadre de la liquidation du régime matrimonial, déchu de plein droit du bénéfice des clauses de la convention matrimoniale qui prennent effet à la dissolution du régime matrimonial ou au décès de l’un des époux et qui lui confèrent un avantage. »
Cette mesure vise à préserver l’équité patrimoniale, en évitant qu’un conjoint reconnu coupable de faits graves ne bénéficie des dispositions financières initialement prévues à son avantage.
Une déchéance facultative des avantages matrimoniaux
Outre la déchéance automatique prévue pour les cas les plus graves, la loi introduit une déchéance facultative pour d’autres infractions, telles que les violences conjugales non létales, le viol ou encore la dénonciation calomnieuse.L’article 1399-2 du Code civil permet désormais au tribunal judiciaire, à la demande de l’époux victime, de ses héritiers ou du procureur de la République, de priver l’époux condamné des avantages matrimoniaux prévus en sa faveur.
Une décharge partielle de solidarité fiscale
Jusqu’à présent, la solidarité fiscale impliquait que chaque époux était responsable conjointement du paiement de l’impôt sur le revenu du couple. Désormais, l’article 1691 bis II du code général des impôts prévoit qu’en cas de séparation, l’époux victime d’une fraude fiscale commise par son conjoint pourra demander une décharge de solidarité fiscale et ne sera pas tenu pour responsable des dettes fiscales contractées après la séparation.
À noter que cette décharge concerne le paiement de l’impôt afférent à la période de vie commune. Cette réforme protège les époux de bonne foi et limite les abus liés aux engagements fiscaux pris unilatéralement par un conjoint.
Transparence accrue dans les régimes matrimoniaux de communauté universelle
En cas de décès d’un des époux mariés sous le régime de la communauté universelle, la loi offre désormais aux héritiers du défunt ou au ministère public la possibilité de demander un inventaire des biens communs avant leur attribution au conjoint survivant.
Cette mesure introduite par l’article 2 de la loi n° 2024-494 du 31 mai 2024 vise à éviter des dissimulations d’actifs et à assurer une gestion transparente du patrimoine familial.
Une question sur les régimes matrimoniaux ?
Autres évolutions récentes en matière de régimes matrimoniaux
Assouplissement des conditions de changement de régime matrimonial
Depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019, les époux peuvent modifier leur régime matrimonial sans condition de durée minimale de mariage. Cela signifie qu’un couple souhaitant passer d’un régime de communauté à un régime de séparation de biens (ou inversement) peut désormais le faire dès le mariage, en accord avec leur notaire.
Toutefois, si le couple a des enfants mineurs ou si un créancier s’y oppose, un passage devant le tribunal judiciaire reste nécessaire pour homologuer le changement.
Prise en compte accrue des partenariats enregistrés (PACS)
Le Pacte Civil de Solidarité (PACS), bien qu’initialement conçu comme une alternative au mariage, est aujourd’hui intégré dans les évolutions législatives sur les régimes patrimoniaux. Désormais, les partenaires pacsés peuvent :
- Opter plus facilement pour l’indivision, leur permettant de gérer leurs biens comme une communauté partielle.
- Organiser une transmission patrimoniale plus efficace, notamment en optimisant la fiscalité applicable aux donations entre partenaires.
Ces ajustements visent à rapprocher le cadre juridique du PACS de celui du mariage, tout en préservant sa souplesse.
Quels impacts pour les couples mariés ?
Ces nouvelles dispositions renforcent la protection des époux et l’équité patrimoniale en prévenant les abus et en favorisant une meilleure gestion du patrimoine conjugal. Concrètement :
- Les époux doivent s’assurer que leur contrat de mariage est conforme aux nouvelles règles. Les clauses matrimoniales prévoyant des avantages doivent être revues à la lumière de la réforme, notamment en cas de violences conjugales.
- Les changements de régime matrimonial sont facilités, mais l’homologation judiciaire reste nécessaire si des intérêts financiers tiers sont en jeu.
- Les héritiers bénéficient d’une transparence accrue, notamment dans le cadre des régimes communautaires.
- Les partenaires pacsés ont désormais plus de latitude dans la gestion de leur patrimoine commun, réduisant l’écart avec les couples mariés.
Il est fortement conseillé de consulter un notaire afin d’adapter son contrat de mariage ou de PACS aux nouvelles dispositions légales et d’anticiper tout risque juridique ou fiscal.
En conclusion
Les dernières évolutions juridiques du droit des régimes matrimoniaux traduisent une volonté législative de moderniser et de sécuriser la gestion du patrimoine familial. La loi du 31 mai 2024 marque un tournant en matière de justice patrimoniale, notamment en instaurant la notion d’indignité matrimoniale et en protégeant les époux victimes de violences conjugales ou d’abus financiers.
Dans un contexte où les situations patrimoniales évoluent rapidement, il est essentiel d’anticiper les implications de ces nouvelles mesures. Un accompagnement par un notaire permet d’adapter son régime matrimonial aux besoins spécifiques de chaque couple et d’assurer une protection optimale du patrimoine.