Usufruit et nue-propriété : optimiser votre succession en préservant vos droits
La transmission du patrimoine est une préoccupation majeure pour de nombreux propriétaires souhaitant assurer la pérennité de leurs biens tout en optimisant la fiscalité successorale. Le démembrement de propriété, qui scinde la pleine propriété en usufruit et nue-propriété, offre des solutions efficaces pour atteindre ces objectifs.

Définition et mécanisme du démembrement de propriété
Le démembrement de propriété est une opération juridique qui consiste à diviser les attributs de la propriété entre deux parties distinctes :
- L’usufruitier : il détient le droit d’usage (usus) et le droit de percevoir les fruits (fructus) du bien, c’est-à-dire qu’il peut utiliser le bien et en percevoir les revenus, tels que les loyers.
- Le nu-propriétaire : il possède le droit de disposition (abusus), ce qui lui confère la propriété juridique du bien sans en avoir l’usage immédiat. À l’extinction de l’usufruit, généralement au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire recouvre la pleine propriété du bien.
Ce mécanisme est réglementé par les articles 578 et suivants du Code civil.
Application du démembrement dans l’anticipation de sa succession
Dans le cadre de l’anticipation d’une succession, le démembrement de propriété peut être utilisé pour transmettre un bien immobilier de manière anticipée et avantageuse sur le plan fiscal. Le propriétaire peut ainsi donner la nue-propriété du bien à ses héritiers tout en conservant l’usufruit, ce qui lui permet de continuer à jouir du bien ou d’en percevoir les revenus jusqu’à son décès.
Donation avec réserve d’usufruit
La donation avec réserve d’usufruit est une pratique courante permettant au donateur de transmettre la nue-propriété d’un bien tout en conservant l’usufruit. Cette stratégie présente plusieurs avantages :
- Maintien des droits du donateur : le donateur conserve le droit d’utiliser le bien et d’en percevoir les revenus, assurant ainsi sa sécurité financière.
- Réduction des droits de donation : les droits de donation sont calculés uniquement sur la valeur de la nue-propriété, qui est inférieure à celle de la pleine propriété, en fonction de l’âge de l’usufruitier.
Les modalités de cette opération sont encadrées par l’article 669 du Code général des impôts, qui établit un barème pour la valorisation de l’usufruit en fonction de l’âge du donateur.
Transmission successorale et extinction de l’usufruit
Au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteint automatiquement et le nu-propriétaire devient pleinement propriétaire du bien sans formalités supplémentaires ni paiement de droits de succession. Cette transmission automatique de la pleine propriété constitue un avantage majeur du démembrement dans la planification successorale.
Avantages fiscaux du démembrement de propriété
Le recours au démembrement de propriété dans le cadre d’une succession offre des avantages fiscaux significatifs :
- Optimisation des droits de donation : en ne portant que sur la nue-propriété, la base taxable est réduite, ce qui diminue le montant des droits à acquitter.
- Exonération des droits de succession : à l’extinction de l’usufruit, le nu-propriétaire récupère la pleine propriété sans droits de succession supplémentaires, l’impôt ayant été acquitté lors de la donation initiale.
Ces dispositions sont précisées dans les articles 757 et suivants du Code général des impôts
Valorisation de l’usufruit et de la nue-propriété
La valeur de l’usufruit et de la nue-propriété est déterminée en fonction de l’âge de l’usufruitier selon un barème fiscal établi par l’administration fiscale. Par exemple, pour un usufruitier âgé de 60 ans, l’usufruit est évalué à 50 % de la valeur du bien, la nue-propriété représentant les 50 % restants.
Comme présenté déjà plus tôt dans notre guide, ce barème est détaillé dans l’article 669 du Code général des impôts.
Conséquences fiscales pour l’usufruitier et le nu-propriétaire
Le démembrement de propriété entraîne des conséquences fiscales distinctes pour l’usufruitier et le nu-propriétaire :
- Usufruitier : il est redevable de l’impôt sur le revenu généré par le bien (par exemple, les loyers perçus) et assume les charges liées à l’entretien courant du bien.
- Nu-propriétaire : il n’est pas imposé sur les revenus du bien pendant la durée de l’usufruit, mais il supporte les charges extraordinaires, telles que les grosses réparations définies à l’article 606 du Code civil.
Précautions et formalités à respecter
La mise en place d’une donation en démembrement de propriété requiert une attention particulière et le respect de certaines formalités :
- Acte notarié : la donation de la nue-propriété doit être réalisée par un notaire pour être opposable aux tiers et garantir la sécurité juridique de l’opération.
- Déclaration fiscale : le notaire se charge de la déclaration auprès de l’administration fiscale est nécessaire pour le calcul et le paiement des droits de donation.
- Information des héritiers : il est essentiel d’informer clairement les héritiers des modalités du démembrement pour éviter les conflits futurs et assurer une transmission harmonieuse du patrimoine.
Besoin d’être accompagné par un notaire pour votre donation de nue-propriété ?
Cas particuliers et conseils pratiques
Certaines situations nécessitent une analyse approfondie avant d’opter pour un démembrement de propriété :
- Démembrement temporaire : il est possible de limiter l’usufruit dans le temps, par exemple pour une période définie, permettant au nu-propriétaire de récupérer la pleine propriété à terme.
- Démembrement et fiscalité internationale : dans le cas où le propriétaire détient des biens à l’étranger, la fiscalité applicable peut varier selon les conventions fiscales entre la France et le pays concerné.
- Anticipation successorale : il est recommandé d’établir une stratégie patrimoniale avec un notaire afin de sécuriser et optimiser la transmission du patrimoine.
En conclusion
Les dernières évolutions juridiques du droit des régimes matrimoniaux traduisent une volonté législative de moderniser et de sécuriser la gestion du patrimoine familial. La loi du 31 mai 2024 marque un tournant en matière de justice patrimoniale, notamment en instaurant la notion d’indignité matrimoniale et en protégeant les époux victimes de violences conjugales ou d’abus financiers.
Dans un contexte où les situations patrimoniales évoluent rapidement, il est essentiel d’anticiper les implications de ces nouvelles mesures. Un accompagnement par un notaire permet d’adapter son régime matrimonial aux besoins spécifiques de chaque couple et d’assurer une protection optimale du patrimoine.